La Révolution française
fut une période troublée, y compris dans la fabrication des monnaies. On fit
un peu n’importe quoi, comme en témoignent les deux monnaies présentées
ici. Quand une presse monétaire
fonctionne normalement, la monnaie est éjectée après la frappe pour laisser
la place au flan suivant. Il arrive que la monnaie reste collée à l’un
des coins, soit parce que le système d’éjection a mal fonctionné, soit
parce que le flan précédent ou les coins n’étaient pas parfaitement
propres. Une monnaie incuse est donc le résultat d’un incident de
fabrication. Bien que généralement
rares, les monnaies incuses se rencontrent plus fréquemment pendant la
période révolutionnaire. Déjà, on trouve de belles
monnaies incuses parmi les royales, comme ce sol de Louis XVI frappé à Paris,
incuse d’avers (photo 1). Les incuses de revers sont
beaucoup plus rares. Il faut que la monnaie
précédente soit restée collée au coin mobile, alors qu’en
général, en cas de collage, elle l’est sur le coin fixe. Photo n° 1 La cinq centimes présentée
ici (photos 2 et 3) est une incuse de revers, qui plus est décentrée, et sur
un flan de bord de lame. Elle a été frappée à Paris en l’an 5. La
pauvre monnaie a accumulé bien des déboires ! Et malgré le flan coupé,
elle est légèrement supérieure au poids théorique, puisqu’elle pèse
10,04g Photos nos
2 et 3 La seconde monnaie est
encore plus extraordinaire : un examen attentif montre qu’il
s’agit d’une incuse d’avers d’un sol de Louis XVI
(photo 4). Mais cette malheureuse royale incuse a été refrappée à Paris pour
donner une cinq centimes, à son tour incuse de revers (photo 5). On ne peut
pas lire la date avec certitude. Photos nos
4 et 5 Ainsi cette monnaie
présente une face incuse d’avers d’un sol de Louis XVI et une
autre face incuse de revers d’une cinq centimes Dupré. Il s’agit
d’une incuse hybride en quelque sorte ! Son poids est faible
(7,83g). Hélas, l’usure et la mauvaise qualité de frappe ne permettent
pas de voir les deux autres empreintes (face normale du sol et revers normal
de la 5 centimes Dupré) La probabilité a priori
pour avoir un résultat pareil me paraît infinitésimale. Mais n’est-ce
pas le lot de tous les événements de notre vie quotidienne ? Avertissement. Quelques experts auto-proclamés
ont prétendu que la dernière monnaie présentée était un faux moderne,
fabriqué à l’aide d’un étau. Ces éminents experts ont-ils déjà
seulement vu un étau, une presse ou un laminoir ? Moi, si. Si on peut, à la rigueur,
reproduire les inscriptions en creux à l’aide d’une monnaie
originale (qui sera sacrifiée dans l’opération), je ne vois pas comment
reproduire le flou de l’effigie incuse de la monnaie présentée, surtout
avec un « étau ». Non, il s’agit bien d’un sol incus de
Louis XVI, qui a beaucoup circulé avant de se faire refrapper en une cinq
centimes, hélas ou tant mieux, incuse de revers. |